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13 mars 2018 2 13 /03 /mars /2018 13:39
Jean-Baptiste Say, le fondateur de filature d'Auchy des Hesdin ( Pas de Calais)
Jean-Baptiste Say, le fondateur de filature d'Auchy des Hesdin ( Pas de Calais)

Jean-Baptiste Say, le fondateur de filature d'Auchy des Hesdin ( Pas de Calais)

Jean-Baptiste Say est considéré comme le principal économiste classique français.

Jean-Baptiste Say (1767-1832) est le fils de Jean-Etienne Say, négociant en soierie, originaire de Genève, installé à Lyon. Après une éducation dans un pensionnat d'Ecully, il doit faire son apprentissage dans une maison de commerce, en raison des revers de fortune de son père. Etienne Clavière, directeur d'une compagnie d'assurances sur la vie, lui trouve un emploi dans une banque parisienne. Il lui fait découvrir la Richesse des nations d'Adam Smith dont il introduit la pensé en France en encourageant comme lui l’invention et l’emploi des machines. En 1792, sous les Girondins, Clavière, ministre des Finances durant quelques mois, le prend pour secrétaire. En 1797, Say devient rédacteur en chef du journal La Décade philosophique, littéraire et politique, dont le groupe sera favorable deux ans plus tard au coup d'Etat du 18 Brumaire de Napoléon Bonaparte. En 1803, Say publie le Traité d'économie politique (2e édit., 1814, 3e édit., 1817, 4e édit., 1819, 5e édit., 1826).

L'œuvre est mal accueillie par Napoléon Bonaparte qui lui demande de réécrire certaines parties de son traité afin de mettre en avant l'économie de guerre basée sur le protectionnisme et les régulations. Le refus de Say l'empêcha de publier une seconde édition du traité, et il fut révoqué du Tribunat en 1804, après avoir passé quatre années à la tête de la section financière.

Les dispositions prises par Bonaparte lui interdisant toute activité comme journaliste, il devient entrepreneur dans la production de coton. Il commence par apprendre à manier les machines des métiers à tisser qui se trouvaient dans les murs du conservatoire des arts et métiers et qui avaient été ramenés par les armées de la Révolution pour certaines. Le secteur en est alors à ses débuts.

Persécuté par le régime napoléonien, il dirige une entreprise de filature à Auchy dans le Pas-de-Calais, avec 80 ouvriers et des métiers qu'actionnait un moteur hydraulique. L'affaire se développe rapidement et en 1810, accrue de bâtiments nouveaux, la manufacture occupait 400 ouvriers ; on y filait 100 kilos de coton par jour.

Après la chute de l'Empire, il enseigne l'économie politique à l'Athénée (1816-19), puis au Conservatoire des Arts et métiers (1820-32) et enfin au Collège de France (1831-32). En 1815, il publie le Catéchisme d'économie politique (2e édit, 1821, 3e édit., 1826). En 1820, paraissent les Lettres à Malthus sur différents sujets d'économie politique. En 1828-29, paraît le Cours complet d'économie politique pratique.

En 1819 il participe à la fondation de l’ESCP, la première et de la plus ancienne école de commerce au monde.

 

  1. Aux origines de l’industrialisme 

Jean-Baptiste Say a été marqué par les violences de la Révolution et de l’Empire, auxquelles il oppose les valeurs pacificatrices de l’industrie. Pour lui, l’industrie et ses machines doivent à la fois clore le Révolution française et faire disparaître les violences en réduisant la politique à l’économie politique, c'est-à-dire en substituant le gouvernement des choses à celui des hommes. Pour Say, ce sont les machines – c'est-à-dire tous les moyens que l’industrie peut employer pour s’approprier  les ressources de la nature – qui permettent l’accroissement de la production et de la richesse. La pauvreté et les problèmes sociaux sont d’abord l’héritage du passé militaire et aristocratique. Dans ses textes  Say, décrit une société industrielle idéale fondée sur l’usage généralisée des machines, où «  tout ce qui est action purement machinale serait exécuté par des animaux ou par des machines. Une pareille nation aurait tous les produits, jouirait de toutes les utilités qu’il est possible de se procurer. » Si l’introduction des machines aggrave parfois la misère des ouvriers, celle-ci est toujours provisoire et compensée par des avantages à long terme .  D’ailleurs  «  délibérer sur l’emploi ou la prohibition des machines » est aussi vain que de discuter «  pour savoir si l’on fera ou non remonter un fleuve à sa source. Cette dernière formule participa  d’une stratégie de naturalisation du changement technique destinées à un bel avenir dans la rhétorique économiste . Pour les  disciples de Say « l’invention des machines multiplie les marchandises, fait baisser les prix , augmente la quantité de travail et conserve la vie d’un certain nombre d’ouvriers, en leur épargnant des travaux malsains et périlleux . Dans ces conditions, les oppositions à l’industrialisme ne peuvent être que le résultat de l’incapacité des producteurs à percevoir leur véritable intérêt. Penseurs libéraux et républicains reprennent tous l’antienne du bienfait des machines. L’économie politique, les sciences de mécanique et de l’ingénieur forment autour de 1830, une nouvelle épistémè obsédé par l’accroissement infini de la production.   [1]

 

  1. Sa définition de l’économie politique 

"L'Économie politique n'est pas autre chose que l'économie de la société. Les sociétés politiques que nous nommons des nations, sont des corps vivants, de même que le corps humain. Elles ne subsistent, elles ne vivent que par le jeu des parties dont elles se composent, comme le corps de l'individu ne subsiste que par l'action de ses organes. L'étude que l'on a faite de la nature et des fonctions du corps humain, a créé un ensemble de notions, une science à laquelle on a donné le nom de physiologie. L'étude que l'on a faite de la nature et des fonctions des différentes parties du corps social, a créé de même un ensemble de notions, une science, à laquelle on a donné le nom d'économie politique, et qu'on aurait peut-être mieux fait de nommer économie sociale. [...]. L'objet de l'économie politique semble avoir été restreint jusqu'ici à la connaissance des lois qui président à la formation, à la distribution et à la consommation des richesses. C'est ainsi que moi-même je l'ai considérée dans mon Traité d'Économie politique [...]. Cependant on put voir, dans cet ouvrage même, que cette science tient à tout dans la société" (Cours complet d'économie politique pratique, 1828, tome 1, pp. 1-2 et 6-7).

  1. Son regard sur les crises économiques 

« L’homme, dit-il, dont l’industrie s’applique à donner de la valeur aux choses en leur créant un usage quelconque, ne peut espérer que cette valeur sera appréciée et payée, que là où d’autres hommes auront les moyens d’en faire l’acquisition. Ces moyens, en quoi consistent-ils ? En d’autres valeurs, d’autres produits, fruits de leur industrie, de leurs capitaux, de leurs terres : d’où il résulte, quoiqu’au premier aperçu cela semble un paradoxe, que c’est la production qui ouvre des débouchés aux produits. » Son idée c’est donc que les nations et les personnes profitent mutuellement de la hausse du niveau de production car elle offre des possibilités accrues de commerce mutuellement bénéfique. L’obstacle à la richesse, selon l’auteur du Traité, n’est pas la sous-consommation ou le manque de demande mais un déficit de production.

Say relève ainsi la remarque classique des producteurs : « La difficulté n’est pas de produire, mais de vendre » (TEP, Partie I, chap. 15, page 87). S’ils ne vendent pas, ils attribuent cela au manque d’argent en général et ils aimeraient bien qu’une autorité quelconque soutienne la consommation d’une façon ou d’une autre, notamment  par une politique de la demande.

Afin de rendre les choses plus claires, Say prend l’exemple d’un marchand d’étoffes qui objecterait : « Ce ne sont pas d’autres produits que je demande en échange des miens, c’est de l’argent ». A cela, la réponse éclairée consiste à dire : « Tel fermier achètera vos étoffes si ses récoltes sont bonnes ; il achètera d’autant plus qu’il aura produit davantage. Il ne pourra rien acheter, s’il ne produit rien. (TEP, page 87)

Say montre que chacun a intérêt à ce que les autres soient prospères .  Selon Say, une crise de surproduction globale est impossible, car si une branche de l’industrie produit plus qu’elle ne l’aurait dû, cela profitera au reste de l’économie. Sans doute des crises sectorielles sont possibles. Mais pour prévenir et pour réduire de tels déséquilibres il faut intensifier et diversifier au maximum la production au lieu de la diminuer.

Quelles leçons peut-on en tirer pour aujourd’hui ? D’abord qu’il faut s’abstenir de toute intervention politique. « L’équilibre, écrit Jean-Baptiste Say, ne cesserait d’exister si les moyens de production étaient toujours laissés à leur entière liberté. » La réduction des impôts et des réglementations est donc la seule politique économique favorable à la croissance. Ensuite, il faut laisser aux entrepreneurs le fait de  rétablir la situation en changeant leur production pour l’adapter au marché. Cela signifie que l’innovation est une des lois fondamentales de l’économie.

  1. Emergence de la figure de l’entrepreneur 

L’entrepreneur est aussi un producteur. En effet dit Say, les services fournis sur le marché sont des «biens immatériels » productifs, c’est-à-dire utiles. On ne produit jamais que de l’utilité, et donc tous les produits sont immatériels en tant que produits. Say a souligné le rôle essentiel joué par l’entrepreneur dans l’activité économique et la création de biens « immatériels », tels que les services, le capital humain et les institutions, nécessaires à la création de la richesse. C’est pourquoi, le profit perçu par l’entrepreneur rémunère ce dernier pour les tâches ainsi accomplies et les risques encourus. Selon ce point de vue, il y a de nombreux contributeurs à l’industrie : les propriétaires d’usines, les entrepreneurs, les ingénieurs et les techniciens, mais aussi les enseignants, les scientifiques et les intellectuels.

J.-B. Say approfondit son analyse avec les exigences qui impliquent le succès de l’entreprise et conclut que « la manière dont les entreprises industrielles y sont conduites, contribue à leur succès beaucoup plus que leurs connaissances techniques et les bons procédés d’exécution dont on y fait usage, tout important qu’ils sont. » (Say, 1828, p. 158). L’activité des entreprises est également le résultat de facultés industrielles, qui peuvent être morales ou personnelles. Ces dernières ont toutes comme facteur commun leurs influences sur le succès de l’entreprise : « Ces qualités sont nombreuses et ne sont pas communes. On peut réussir sans les posséder toutes ; mais plus on peut en réunir, et plus on a de chances de succès » (Say, 1840, p. 140).

Le critère de classification de Jean Baptiste Say est une distinction entre qualités personnelles et qualités morales. Les qualités personnelles font référence, aussi bien à la solvabilité de l’entrepreneur qu’à sa place dans les réseaux sociaux qui accèdent au crédit. Les qualités morales possèdent ce qualificatif car elles proviennent du processus de socialisation de l’individu selon lequel le sujet acquiert les compétences, par le moyen de l’éducation industrielle et de la famille, pour exercer une bonne conduite. Pour Say, la morale ne provient pas de la législation mais de l’économie politique 

https://www.cairn.info/loadimg.php?FILE=INNO/INNO_045/INNO_045_0039/INNO_id9782804189761_pu2014-03s_sa03_art03_img002.jpg

Qualités morales utiles dans toutes les circonstances de la vie (Say, 1840, p. 141). En additionnant les qualités morales et qualités personnelles on obtient le talent d’administrer (Say, 1840, p 371)

 

 

 

[1] Jarrige François, Technocritiques : Du refus des machines à la contestation des technosciences , La Découverte, Paris, 2016

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commentaires

D
Très bon article.
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