Le dernier chapitre de l'ouvrage que Jerôme Ferrari consacre au physicien allemand Werner Heisenberg [Le Principe, Actes Sud, 2015] propose une magistrale réflexion sur le langage toujours inédéquat à l'être et à la vie .
"Nous ne sommes pas le maître de Delphes, qui ne dit ni ne cache rien. Notre parole est seulement humaine. Elle ne peut que révéler imparfaitement le monde ou l'enfouir sous le mensonge - et elle atteint alors sa perfection. Je connais bien l'art des noms mensongers qui est celui des banquiers et des politiciens. Au terme d'un chemin improbable qui, je le sais , ne doit rien au hasard , j'ai finalement appris beaucoup de choses. J'ai appris à susciter un appétit compulsif et vain qui est devenu pour nous la seule figure du désir. J'ai appris à faire briller tout ce qui est vil. De toutes les idées , j'ai appris à faire des arguments de vente. C'est seulement ainsi que les études de lettres et de philosophie justifient leur existence dans ce monde, en produisant des hommes comme moi qui ont enfin compris comment rendre leur créativite efficace.
Je peux tout dire .
Je peux même me permettre d'évoquer la mort .
Je la nomme éternité ou héritage . Je la nomme sérénité. Ceux qui m'écoute n'en on plus peur.
Il sourient en pensant au temps qui passe - la mort , le destructeur des mondes - comme on pense à un ami.
Ils achètent des produits de luxe qui sont censés leur survivre et leur survivront peut-être, après tout"
Fabriquer une horloge immortelle pour les 10 000 ans qui viennent, tel est le projet à 45 millions de dollars financé par Jeff Bezos, le créateur d'Amazon au Texas.
